“Le sentiment de n'avoir aucun pouvoir sur les gens et les événements est difficilement supportable : l'impuissance rend malheureux. Personne ne réclame moins de pouvoir, tout le monde en veut davantage.” — Robert Greene.
Loi n°1 : Ne surpassez jamais le maître.
Ceux qui sont au-dessus de vous doivent toujours se sentir largement supérieurs. Dans votre désir de plaire et de les impressionner, ne vous laissez pas entraîner à faire trop étalage de vos talents, vous pourriez obtenir l’effet inverse: les déstabiliser en leur faisant de l’ombre. Faites en sorte que vos maîtres apparaissent plus brillants qu’ils ne sont, et vous atteindrez le sommet du pouvoir.
“Se bien garder de vaincre son maître. Toute supériorité est odieuse ; mais celle d’un sujet sur son prince est toujours folle, ou fatale… C’est une leçon que nous font les astres qui, bien qu’ils soient les enfants du soleil, et tout brillants, ne paraissent jamais en sa compagnie.” — Baltasar Gracián.
Loi n°2 : Ne vous fiez pas à vos amis, utilisez vos ennemis.
Gardez-vous de vos amis : beaucoup vous trahiront par envie. D’autres se montreront gâtés, tyranniques. Un ancien ennemi que vous engagez sera plus loyal qu’un ami parce qu’il devra faire ses preuves. En fait, vous avez plus à craindre de vos amis que de vos ennemis. Si vous n’avez pas d’ennemis, trouvez le moyen de vous en faire.
“Mon Dieu, gardez moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge.” — Voltaire.
Loi n°3 : Dissimulez vos intentions.
Maintenez votre entourage dans l’incertitude et le flou en ne révélant jamais le but qui se cache derrière vos actions. S’ils n’ont aucune idée de ce que vous prévoyez, ils ne pourront pas préparer la défense. Guidez-les assez loin dans une autre direction, enveloppez-les d’un écran de fumée et quand ils perceront à jour vos desseins, il sera trop tard.
“Ne point passer pour homme d’artifice. Véritablement, on ne saurait vivre aujourd’hui sans en user ; mais il faut plutôt choisir d’être prudent que d’être fin. Le plus grand artifice est de bien cacher ce qui passe pour tromperie.” — Baltasar Gracián.
Loi n°4 : Dîtes-en toujours moins que nécessaire.
Plus vous vous laissez aller à parler, plus vous avez l’air banal et peu maître de vous-même. Même anodines, vos paroles sembleront originales si elles restent vagues et énigmatiques. Les personnages puissants impressionnent et intimident parce qu’ils sont peu loquaces. Plus vous en dites et plus vous risquez de dire des bêtises.
“J'ai appris qu'on a plus de pouvoir quand on se tait.” — Andy Warhol.
Loi 5 : Protégez votre réputation comme la prunelle de vos yeux.
La réputation est la pierre angulaire du pouvoir. À elle seule, elle peut vous permettre d’impressionner et de gagner ; cependant, lorsqu’elle est compromise, vous êtes vulnérable et l’on vous attaquera de toutes parts. Faites en sorte que votre réputation soit toujours impeccable. Soyez vigilant et déjouez les attaques avant qu’elles ne se produisent. En même temps, apprenez à détruire vos ennemis par leur réputation : ouvrez-y des brèches, puis taisez-vous et laissez faire la meute.
“Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.” — Jean de la Fontaine.
Loi n°6 : Attirez l’attention à tout prix.
Les gens jugent tout à l’apparence ; ce qui n’est pas visible ne compte pour rien. Ne vous laissez jamais noyer dans la foule ni sombrer dans l’oubli. Soyez à tout prix le point de mire, celui que l’on remarque. Faites-vous plus grand, plus chatoyant, plus mystérieux que la masse terne et morne, soyez l’aimant qui attire tous les regards
“Même quand on m’accable d’injures, j’ai mon compte de renommée.” — Pietro Aretino.
Loi n°7 : Laissez le travail aux autres, mais recueillez-en les lauriers.
Utilisez la sagesse, le savoir et le travail des autres pour faire avancer votre propre cause. Non seulement cette aide vous fera gagner une énergie et un temps précieux, mais elle vous conférera une aura quasi divine d’efficacité et de diligence. À la fin, vos collaborateurs seront oubliés et on ne se souviendra que de vous. Ne faites jamais ce que les autres peuvent faire à votre place.
“Le vol est courant dans le commerce et l’industrie. J’ai moi-même j’ai beaucoup volé. Mais moi, je sais comment m’y prendre.” — Thomas Edison.
Loi n°8 : Obligez l’adversaire à se battre sur votre propre terrain.
Quand on force une personne à agir, on est maître de la situation. Il vaut mieux amener un adversaire à soi en le faisant abandonner ses propres plans. Appâtez-le avec des gains fabuleux, puis passez à l’attaque. Vous aurez ainsi les cartes en main.
“Quand j’ai posé des appâts pour un cerf, je ne tire pas sur la première biche qui se présente, j’attends que toute la harde soit réunie.” — Otto von Bismarck.
Loi n°9 : Remportez la victoire par vos actes et non par vos discours.
Le triomphe momentané obtenu en haussant le ton n’est qu’une victoire à la Pyrrhus : le ressentiment, la rancœur que l’on suscite sont plus forts et plus durables que la docilité forcée de votre interlocuteur. Votre pouvoir sera bien plus grand si vous arrivez à obtenir son accord par vos seules actions, sans dire un mot. Ne prêchez pas, montrez l’exemple.
“N’ergotez jamais. Dans une société, rien ne doit être discuté ; montrez des résultats, c’est tout.” — Benjamin Disraeli.
Loi n°10 : Fuyez la contagion de la malchance et du malheur.
On peut mourir du malheur d’autrui : les états d’âme sont contagieux. En voulant aider celui qui se noie, vous courez seulement à votre perte. Les malchanceux attirent l’adversité, sur eux-mêmes et aussi, peut-être, sur vous. Préférez la compagnie de ceux à qui tout réussit.
“Connaître les gens heureux, pour s’en servir ; et les malheureux, pour s’en écarter. D’ordinaire, le malheur est un effet de la folie ; et il n’y a point de contagion plus dangereuse que celle des malheureux. Il ne faut jamais ouvrir la porte au moindre mal, car il en vient toujours d’autres après, et même de plus grands qui sont en embuscade.” — Baltasar Gracián.
Loi n°11 : Rendez-vous indispensable.
Pour garder votre indépendance, vous devez faire en sorte que l’on ne puisse se passer de vous. Plus on compte sur vous, plus vous êtes libre. Faites en sorte qu’ils n’en sachent jamais assez pour se débrouiller seuls.
“Le prince doit donc, s’il est doué de quelque sagesse, imaginer et établir un système de gouvernement tel, qu’en quelque temps que ce soit, et malgré toutes les circonstances, les citoyens aient besoin de lui : alors il sera toujours certain de les trouver fidèles.” — Nicolas Machiavel.
Loi n°12 : Soyez d’une honnêteté et d’une générosité désarmantes.
Un acte sincère et honnête compense des dizaines de scélératesses. L’honnêteté et la générosité font baisser la garde des plus soupçonneux. Soyez honnête à bon escient, trouvez le défaut de la cuirasse, puis trompez et manipulez à loisir. Un cadeau offert à propos — un cheval de Troie — aura un effet similaire.
“Tout est terne quand je n’ai pas au moins une cible en vue. La vie me semble vide et déprimante. Je ne puis comprendre les gens honnêtes. Leur vie est ennuyeuse à mourir.” — Conte Victor Lustig.
Loi n°13 : Misez sur l’intérêt personnel, jamais sur la pitié ni la reconnaissance.
Si vous avez besoin d’un allié, ne lui rappelez pas l’aide que vous lui avez apportée ni les services que vous lui avez rendus, vous le feriez fuir. Mieux vaut faire valoir dans votre demande d’alliance un élément qui lui sera profitable ; insistez sur ce point. Plus il aura à y gagner, plus il fera preuve d’empressement.
“De tous les moyens de faire sa fortune, le plus court et le meilleur est de mettre les gens à voir clairement leurs intérêts à vous faire du bien.” — Jean de La Bruyère.
Loi n°14 : Soyez un faux ami…et un vrai espion.
Tout savoir de son rival est indispensable. Vous prendrez un avantage inestimable en postant des espions qui vous communiqueront des informations précieuses. Mieux encore : espionnez vous-même. Dans les réunions mondaines, ouvrez l’œil, prêtez l’oreille. Par des questions indirectes, percez à jour les faiblesses et les intentions de vos interlocuteurs. Faites feu de tout bois pour exercer l’art de l’espionnage.
“Les dirigeants voient par leurs espions, les vaches par l’odorat, les brahmines par les livres saints et tous les autres par leurs yeux.” — Kautilya.
Loi 15: Ecrasez complètement l'ennemi.
Tous les grands chefs depuis Moise savent qu’un ennemi redoutable doit être exterminé jusqu’au dernier. Parfois, ils l’ont appris à leurs dépens. S’il subsiste ne serait-ce qu’une faible braise, le feu reprendra. Vous avez beaucoup plus à perdre en faisant preuve de clémence qu’en éliminant complètement votre ennemi : ce dernier se remettra et cherchera à se venger. Écrasez-le, non seulement physiquement mais aussi en esprit.
“Lorsque l'Eternel, ton Dieu, te les aura livrées et que tu les auras battues, tu les dévoueras par interdit, tu ne traiteras point d'alliance avec elles, et tu ne leur feras point grâce.” — Deutéronome 7:2.
Loi 16: Faîtes vous désirez.
Tout ce qui est rare est cher : plus on se fait voir, plus on se fait entendre, et plus on semble ordinaire. Si vous faites partie d’un groupe, éloignez-vous-en un certain temps et l’on parlera de vous davantage, vous serez même plus admiré. Pratiquez l’absence : la rareté augmentera votre valeur.
“L'absence diminue les médiocres passions, et augmente les grandes, comme le vent éteint les bougies, et allume le feu.” — François de La Rochefoucauld.
Loi 17: Soyez imprévisible.
L’homme est féru d’habitudes, surtout chez autrui. Quand vous ne surprenez plus personne, vous donnez aux autres l’impression qu’ils vous ont percé à jour. Renversez la situation : soyez délibérément imprévisible. Un comportement sans rime ni raison déstabilisera les gens, ils s’épuiseront à faire l’exégèse de vos actes. Cette stratégie peut intimider, voire même susciter la terreur.
“La vie de la cour est un jeu sérieux, mélancolique, qui applique : il faut arranger ses pièces et ses batteries, avoir un dessein, le suivre, parer celui de son adversaire, hasarder quelquefois, et jouer de caprices.” — Jean de La Bruyère.
Un conseil, cependant : l’imprévisibilité se retourne parfois contre vous, surtout si vous êtes en position subalterne. Il vaut parfois mieux laisser les gens croire qu’ils vous ont parfaitement cerné, plutôt que les perturber.
Loi 18: Ne restez pas dans votre tour d’ivoire.
Le monde est une jungle et les ennemis sont partout : chacun doit se protéger. Une forteresse semble le lieu le plus sûr. Mais l’isolement a ses dangers : d’une part, il vous prive d’informations importantes ; d’autre part, en vous isolant, vous devenez une cible facile et l’objet de tous les soupçons. Mieux vaut circuler, trouver des alliés, se mêler aux autres. La foule est un bon bouclier humain.
“La solitude est dangereuse pour la raison sans être favorable à la vertu. Souvenez-vous que le mortel solitaire est probablement superstitieux et peut-être fou.” — Samuel Johnson.
Loi n°19 : Ne marchez pas sur les pieds de n’importe qui.
Il y a des gens bien différents de par le monde : tous ne réagissent pas de la même manière. Certains, lorsqu’ils sont trompés ou manipulés, passent le reste de leur vie à chercher une occasion de vengeance. Ce sont des loups déguisés en agneaux. Choisissez soigneusement vos victimes et vos adversaires, ne malmenez pas n’importe qui.
“Soyez persuadé qu’il n’y a point d’hommes, quels que soient leurs conditions et leurs mérites, qui ne puissent, en certains temps et en certaines choses, vous être de quelque utilité : ce qui n’arrivera jamais si une fois vous les avez blessés. On oublie souvent les injures ; mais le mépris ne se pardonne pas. Notre orgueil en conserve un souvenir ineffaçable.” — Lord Chesterfield.
Loi n°20 : Ne prenez pas parti.
Stupide est celui qui aliène sa liberté à un parti. Soyez vous-même votre unique cause. En gardant votre indépendance, vous deviendrez le maître de tous : dressez les uns contre les autres et obligez-les à vous suivre.
“Querelle de bécasse et de moule profite au pêcheur.” — Proverbe chinois.
Loi n°21 : À sot, sot et demi.
On n’aime pas avoir l’air plus bête que son voisin. Utilisez donc ce stratagème : faites en sorte que ceux que vous visez se croient intelligents, et surtout plus intelligents que vous. Une fois convaincus, ils ne chercheront pas plus loin et ne se méfieront pas de vos agissements.
“Il y a des occasions où le meilleur savoir consiste à feindre de ne pas savoir. Il ne faut pas ignorer, mais bien en faire semblant.” — Baltasar Gracián.
Loi n°22 : Capitulez à temps.
Quand vous avez le dessous, ne continuez pas pour l’honneur, rendez-vous. La capitulation vous donne le temps de vous faire une santé, le temps de tourmenter et d’irriter votre vainqueur, le temps d’attendre que son pouvoir périclite.
“Au passage d'un grand seigneur, le paysan avisé s'incline par-devant et pète par-derrière.” — Proverbe Éthiopien.
Loi n°23 : Concentrez vos forces.
Économisez vos forces et votre énergie en les gardant concentrées à leur niveau le plus élevé : on gagne plus en exploitant un filon riche et profond qu’en faisant de l’orpaillage : l’intensif l’emporte toujours sur l’extensif. Quand on recherche des sources de pouvoir pour s’élever, il faut se trouver un maître de poids, une laitière bien grasse qui donnera du lait longtemps.
“La meilleure stratégie est toujours d’être très fort, d’abord d’une façon générale, puis au point décisif [...] La première et la plus importante des règles qui s’imposent est de tenir ses forces réunies [...] Le premier principe est donc de maintenir ses forces dans le plus grand état de concentration.” — Carl Philipp Gottfried von Clausewitz.
Loi n°24 : Soyez un courtisan modèle.
Le courtisan évolue dans un monde où tout tourne autour du pouvoir et du jeu politique. Il doit maîtriser l’art du flou, flatter, s’abaisser devant les grands et exercer son pouvoir sur les autres de manière aussi courtoise que discrète. Apprenez et appliquez les lois de la cour, et votre ascension ne connaîtra pas de limites.
Évitez l’ostentation.
Pratiquez la nonchalance.
Flattez avec parcimonie.
Arrangez-vous pour être remarqué.
Modulez votre style et votre langage en fonction de votre interlocuteur.
Ne soyez jamais le messager des mauvaises nouvelles.
Ne faites jamais preuve de familiarité déplacée avec votre maître.
Ne critiquez jamais vos supérieurs directs.
Demandez rarement des faveurs à vos supérieurs.
Ne plaisantez jamais sur le physique ni sur le goût de quiconque.
Ne soyez pas systématiquement cynique.
Sachez vous juger.
Gardez votre sang-froid.
Soyez dans l’air du temps.
Soyez source de plaisir.
“Un homme qui sait la cour est maître de son geste, de ses yeux et de son visage ; il est profond, impénétrable ; il dissimule les mauvais offices, sourit à ses ennemis, contraint son humeur, déguise ses passions, dément son coeur, parle, agit contre ses sentiments.” — Jean de La Bruyère.
Loi n°25 : Changez de peau.
N’incarnez pas les clichés que la société vous impose. Forgez-vous une nouvelle identité qui exige l’attention et n’ennuie jamais l’auditoire. Soyez maître de votre image, ne laissez pas les autres la définir pour vous. Posez publiquement des actes spectaculaires : votre pouvoir en sera rehaussé et votre personnalité prendra de la stature.
“J’ai d’autres idées sur les qualités premières d’un grand acteur. Je lui veux beaucoup de jugement ; je le veux spectateur froid et tranquille de la nature humaine ; qu’il ait par conséquent beaucoup de finesse, mais nulle sensibilité ou, ce qui est la même chose, l’art de tout imiter et une égale aptitude à toutes sortes de caractères et de rôles…” — Denis Diderot.
Loi n°26 : Gardez les mains propres.
Soyez un parangon de probité et de civisme : ne vous abaissez jamais à aucune gaffe ni magouille. Restez au-dessus de tout soupçon. Utilisez plutôt les autres comme des boucs émissaires ou chargez-les de tirer à votre place les marrons du feu.
“Je préférerais trahir le monde entier que laisser le monde me trahir.” — Général Cao Cao.
Loi n°27 : Créez une mystique.
Les êtres humains ont un irrésistible besoin de croire en quelque chose. Devenez l’épicentre de ce désir en leur offrant une cause à soutenir, une nouvelle foi à suivre. Vos paroles doivent être vagues mais pleines de promesses ; mettez l’accent sur l’enthousiasme plutôt que sur la rationalité. Donnez à vos disciples des rituels à accomplir, demandez-leur des sacrifices. En l’absence d’une religion organisée et de grande cause, votre nouveau système de croyance vous apportera un inestimable pouvoir.
“Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper.” — Nicolas Machiavel.
Loi n°28 : Faites preuve d’audace.
Si vous n’êtes pas sur de l’issue d’une action, ne vous y lancez pas. Vos doutes et vos hésitations entraveraient son exécution. La timidité est dangereuse : mieux vaut faire preuve d’audace. Les erreurs commises par audace sont facilement rectifiées grâce à plus d’audace encore. Tout le monde admire l’audacieux ; personne n’honore le timoré.
“La crainte de ne pas réussir découvre le faible de celui qui exécute, à son rival. Si, dans la chaleur même de la passion, l’esprit est en suspens, dès que ce premier feu sera passé il se reprochera son imprudence. Toutes les actions qui se font avec doute sont dangereuses, il vaudrait mieux s’en abstenir.” — Baltasar Gracián.
Loi n°29 : Suivez un plan précis jusqu’au but final.
Tout est dans le dénouement. Prévoyez toutes les étapes qui y mènent en tenant compte de leurs éventuelles conséquences, des obstacles qui risquent de surgir et des revers de fortune qui pourraient anéantir vos efforts. En planifiant votre action jusqu’au bout, vous ne serez pas pris au dépourvu et vous saurez quand vous arrêter. Guidez la chance avec doigté et mettez-la de votre côté en faisant preuve d’une vision à long terme.
“Ne te lance jamais dans quoi que ce soit sans avoir réfléchi à la façon dont les choses se termineraient.” — Idries Shah.
Loi n°30 : N’ayez jamais l’air de forcer.
Vos actes doivent paraître naturels et exécutés avec aisance. Cachez la sueur et le sang qu’ils vous ont coûté, et taisez les trouvailles géniales qui vous ont simplifié la tâche. Donnez l’impression d’agir toujours en souplesse, comme si vous pouviez faire beaucoup plus. Si vous avez l’air de ployer sous le faix, les gens se poseront des questions. Quant à vos trucs et astuces, gardez-les pour vous : on pourrait les utiliser à votre désavantage.
“On met parfois des heures à écrire un vers. Mais s’il a trop travaillé, c’est que le poète a travaillé pour rien.” — William Butler Yeats.
Loi n°31 : Offrez le choix : Charybde ou Scylla?
Les meilleures supercheries sont celles qui semblent laisser le choix à la victime : elle a l’impression qu’elle maîtrise la situation alors qu’elle est une marionnette entre vos mains. Proposez des alternatives qui joueront en votre faveur quelle que soit l’issue. Forcez les gens à faire le choix entre deux maux servant tous les deux vos desseins : Ils seront pris de quelque côté qu’ils se tournent.
“En effet, les blessures que l’homme se fait spontanément et de propos délibéré sont bien moins douloureuses que les maux qui lui viennent d’une main étrangère.” — Nicolas Machiavel.
Loi n°32 : Touchez l’imagination.
On fuit la vérité quand elle est laide et déplaisante. Ne rappelez jamais la réalité, sous peine d’avoir à affronter la colère, fille de la déception. La vie est si dure et si angoissante que ceux qui l’enjolivent par de belles histoires sont tels des oasis dans le désert : tout le monde afflue vers eux. C’est un grand pouvoir que de savoir exploiter l’imagination des masses.
“Le plus détestable personnage au monde est celui qui dit toujours la vérité, qui n’invente jamais rien… Je trouve bien plus intéressant et rémunérateur de raconter des histoires que de dire la vérité.” — Joseph Weil.
Loi n°33 : Trouvez le talon d’Achille.
Tout le monde a un point faible, une fissure dans le rempart de sa personnalité : un sentiment d’insécurité, une émotion incontrôlable, un besoin criant, voire un péché mignon. Quelle que soit cette faiblesse, c’est un talon d’Achille sur lequel vous pourrez agir à votre avantage lorsque vous l’aurez découvert.
Soyez attentif aux comportements et signaux inconscients.
Retrouvez l’enfant sans défense.
Recherchez les contrastes.
Trouvez le maillon faible.
Comblez le vide.
Misez sur les pulsions incontrôlables.
“Celui qui a des oreilles pour entendre, et des yeux pour voir constate que les mortels ne peuvent cacher aucun secret. Celui dont les lèvres se taisent bavarde avec le bout des doigts ; il se trahit par tous les pores.” — Sigmund Freud.
Loi 34: Soyez royal.
Le traitement qu’on vous réserve est le reflet de votre attitude : la vulgarité, la banalité n’inspire nul respect. C’est parce qu’un roi se respecte qu’il inspire le respect aux autres. Montrez-vous royal et confiant dans votre pouvoir, et vous apparaîtrez digne de porter la couronne.
“Conserver la majesté propre à son état. Que toutes tes actions soient, sinon d’un roi, du moins dignes d’un roi, à proportion de ton état : c’est-à-dire procède royalement, autant que ta fortune te le peut permettre. De la grandeur à tes actions, de l’élévation à tes pensées. Afin que, si tu n’es pas roi en effet, tu le sois en mérite ; car la vraie royauté consiste en la vertu.” — Baltasar Gracián.
Loi n°35 : Maitrisez le temps.
Ne vous pressez jamais : la précipitation trahit un manque de sang froid. Soyez patient : chaque chose vient à son heure. Attendez le bon moment : flairez l’air du temps, les tendances qui vous porteront au pouvoir. Restez en garde tant que l’heure n’est pas venue et portez l’estocade à point nommé.
“La stratégie est la science de l’emploi du temps et de l’espace. Je suis, pour mon compte, moins avare de l’espace que du temps : pour l’espace, nous pouvons toujours le regagner. Le temps perdu, jamais.” — Napoléon Bonaparte.
Loi n°36 : Méprisez les contrariétés.
En vous laissant obséder par un problème insignifiant, vous lui donnez de l’importance. Prêter attention à un ennemi le renforce. À vouloir réparer une erreur minuscule, on risque de l’aggraver. Si ce que vous désirez est hors de votre portée, traitez-le par le mépris. Moins vous vous montrerez intéressé, plus vous paraîtrez supérieur.
“Souvenez-vous : les réponses les plus efficaces aux chicaneries sans importance sont le mépris et le dédain. Ne laissez jamais transparaître de la contrariété, cela ne fait que reconnaître l’offense. Le mépris est un plat qui se mange froid, et sans affectation, bien sûr.” — Robert Greene.
Loi n°37 : Jouez sur le visuel.
Le recours à des images frappantes et à des gestes symboliquement forts crée une aura de pouvoir : tout le monde y est sensible. Mettez-vous en scène, choisissez des symboles visuels impressionnants qui grandissent votre présence. Ébloui par l’apparence, nul ne prêtera attention à ce que vous faites réellement.
“On choisit pour corps le soleil, qui, dans les règles de cet art, est le plus noble de tous, et qui, par la qualité d’unique, par l’éclat qui l’environne, par la lumière qu’il communique aux autres astres qui lui composent comme une espèce de cour, par le partage égal et juste qu’il fait de cette même lumière à tous les divers climats du monde, par le bien qu’il fait en tous lieux, produisant sans cesse de tous côtés la vie, la joie et l’action, par son mouvement relâche, où il parait néanmoins toujours tranquille, par cette course constante et invariable, dont il ne s’écarte et ne se détourne jamais, est assurément la plus vive et la plus belle image d’un grand monarque.” — Louis XIV.
Loi n°38 : Pensez librement, parlez sobrement.
Si vous affichez des opinions à contre-courant, anticonformistes, peu orthodoxes, on pensera que vous vous croyez plus malin que les autres et que vous les prenez de haut, et l’on cherchera à vous en faire passer l’envie. Mieux vaut se fondre dans la masse. Ne partagez vos idées qu’avec des amis tolérants et sûrs qui apprécient votre originalité.
“Pendant longtemps, je n’ai pas dit ce que je croyais, et je ne crois toujours pas ce que je dis ; et si parfois effectivement il m’arrive de dire la vérité, je la cache au milieu de tant de mensonges qu’elle est impossible à trouver.” — Nicolas Machiavel.
Loi n°39 : Exaspérez l’ennemi.
La colère est stratégiquement contre-productive. Il faut toujours garder son calme et rester objectif. Si l’on peut mettre son ennemi en colère tout en conservant son sang-froid, on prend sur lui un avantage décisif. Déstabilisez votre adversaire : trouvez en lui la faille qui le fera sortir de ses gonds.
“Un général qui ne sait pas se modérer, qui n’est pas maître de lui-même, qui se laisse aller aux premiers mouvements d’indignation ou de colère ne saurait manquer d’être la dupe des ennemis. Ils le provoqueront, lui tendront mille pièges que sa fureur l’empêchera de reconnaître, et dans lesquels il donnera infailliblement.” — Sun Tzu.
Loi n°40 : N’hésitez pas à en payer le prix.
Ce qui est gratuit est suspect : cela cache soit un piège soit une obligation. Ce qui a de la valeur mérite d’être payé. Le juste prix acquitté, vous ne demeurez l’obligé de personne. Et qu’il ne soit pas question de rabais — on ne lésine pas quand il est question d’excellence. Soyez prodigue avec discernement : la générosité est un signe et un aimant du pouvoir.
“Point d’argent mieux placé que celui dont nous nous sommes laissé voler, car il nous a immédiatement servi à acheter de la prudence.” — Arthur Schopenhauer.
Loi n°41 : Ne succédez à personne.
Le premier arrivé paraît toujours plus éclatant et plus original que celui qui prend sa suite. Si vous succédez à un grand homme ou que vous avez un parent célèbre, vous aurez à en faire deux fois plus pour l’éclipser. Ne vous perdez pas dans son ombre ; ne vous identifiez pas à un passé qui n’est pas le vôtre. Affirmez votre nom et votre identité en changeant radicalement de trajectoire. Tuez le père dominateur, jetez son legs aux orties et établissez votre pouvoir en brillant à votre façon.
“Éviter de succéder à un grand homme. Si on s’y engage, que ce soit avec l’assurance de le surpasser.” — Baltasar Gracián.
Loi n°42 : Éliminez l’agitateur.
Souvent, un problème de groupe est lié à un seul fauteur de troubles, un arrogant sous-fifre promu empêcheur de tourner en rond. Si vous lui laissez les moyens de nuire, les autres succomberont à son influence. N’attendez pas que les problèmes créés par un élément récalcitrant se multiplient et n’essayez pas de négocier avec lui : il est incorrigible. Neutralisez son influence en l’isolant ou en l’excluant. Décapitez la bande et vous en reprendrez le contrôle.
“Un cancer commence par une seule cellule : opérez avant que le mal ne devienne incurable.” — Robert Greene.
Loi n°43 : Parlez aux cœurs et aux esprits.
La coercition pure peut se retourner contre vous. Séduisez plutôt, donnez envie d’aller dans votre sens. Celui que vous avez séduit deviendra votre marionnette. Et pour séduire, il faut agir sur la psychologie de chacun, exploiter ses faiblesses. Assouplissez le rebelle en misant sur ses affects, en jouant ce qu’il craint et ce à quoi il tient. Si vous négligez le cœur et l’esprit des autres, vous vous ferez haïr.
“Si je veux convaincre quelqu’un, la difficulté réside dans la connaissance que j’ai de son coeur, pour lui adresser un langage adapté… Par conséquent, celui qui chercher à persuader le monarque doit observer attentivement ce que celui-ci aime et déteste, connaître ses craintes et ses désirs secrets, avant de pouvoir conquérir son coeur.” — Han Feizi.
Loi n°44 : Singez l’ennemi.
Un miroir reflète la réalité, mais c’est aussi l’outil par excellence de l’illusionniste : lorsque vous vous faites le miroir de vos ennemis en mimant leurs moindres gestes, cela les égare. L’effet de miroir les humilie, les exaspère et les faits sortir de leurs gonds. En tendant un miroir à leur psyché, vous les séduisez en leur donnant l’illusion que vous partagez leurs valeurs : en tendant un miroir à leurs actions, vous leur donnez une bonne leçon. Rares sont ceux qui résistent aux facéties du singe.
“Quand je veux savoir jusqu'à quel point quelqu'un est circonspect ou stupide, jusqu'à quel point il est bon ou méchant, ou quelles sont actuellement ses pensées je compose mon visage d'après le sien, aussi exactement que possible, et j'attends alors pour savoir quels pensers ou quels sentiments naîtront dans mon esprit ou dans mon cœur, comme pour s'appareiller et correspondre avec ma physionomie.” — Egdar Allan Poe.
Loi n°45 : Appelez au changement, pas à la révolution.
Le changement est salutaire, tout le monde est d’accord là-dessus ; mais votre quotidien est pétri d’habitudes. Trop d’innovations simultanées traumatisent et conduisent à la révolte. Si vous venez d’être intronisé à un poste de pouvoir ou que vous essayez d’en établir les bases, montrez ben que vous respectez les traditions. Si un changement est nécessaire, faites-le passer pour une légère amélioration du passé.
“L’on doit remarquer qu’en effet il n’y a point d’entreprise plus difficile à conduire, plus incertaine quant au succès, et plus dangereuse que celle d’introduire de nouvelles institutions.” — Nicolas Machiavel.
Loi n°46 : Ne soyez pas trop parfait.
Paraître mieux que tout le monde est souvent périlleux, mais le pire est de sembler n’avoir ni défaut ni faiblesse. La jalousie fabrique des ennemis silencieux. Il est avisé d’exhiber quelques défauts de temps en temps, d’avouer de petits vices sans conséquence, afin de désamorcer l’envie et de paraître plus humain, plus accessible. Seuls les morts et les dieux sont impunément parfaits.
“De toutes les maladies de l’âme, c’est l’envie que l’on veut cacher avec plus de soin.” — Plutarch.
Loi n°47 : Sachez vous arrêter.
Le moment de la victoire est celui du plus grand péril. Dans l’euphorie de la réussite, un excès de confiance en vous peut vous pousser à dépasser le but que vous vous étiez fixé. N’allez pas trop loin, ou vous vous ferez plus d’ennemis que vous n’en avez vaincus. Ne laissez pas le succès vous monter à la tête. Rien ne remplace une stratégie et une planification prudente. Fixez-vous un but, et lorsque vous l’aurez atteint, arrêtez-vous.
“Le plus grand péril se trouve au moment de la victoire.” — Napoléon Bonaparte.
Loi n°48 : Soyez fluide.
En révélant un plan gravé dans le roc, vous vous rendez vulnérable. Au lieu d’adopter des contours définis qui donneront prise à votre ennemi, restez adaptable et mobile. Acceptez que rien n’est certain, qu’aucune loi n’est immuable. La meilleure façon de vous protéger est d’être aussi fluide et insaisissable que l’eau ; ne comptez jamais sur la stabilité ni sur l’immobilité. Tout change.
“La suprême tactique consiste à disposer ses troupes sans forme apparente ; alors les espions les plus pénétrants ne peuvent fureter et les sages ne peuvent établir des plans contre vous.” — Sun Tzu.
Sources:
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